17 juillet 2023

La marche ne sert presque à rien

par Florence G.

Interrogez-vous avec l’auteure de ce texte vigoureux sur ce que la marche n’est pas ou n’est plus pour une part trop souvent oubliée de l’humanité !

Le texte de Florence

La marche ne sert pas à se promener, à faire de grandes ou de petites balades, à passer un bon moment avec des amies.
La marche ne sert pas à sillonner la campagne, à arpenter la grève, à gravir et descendre des collines ou des montagnes.
La marche ne sert pas à admirer le paysage, à contempler le ciel, à compter les mouettes ou les hirondelles.
La marche ne sert pas à sentir le sable ou les galets sous ses pieds, à humer les embruns, à affronter les éléments.
Le marche ne sert pas à accomplir des exploits, battre des records ou impressionner ses amis et connaissances.
La marche ne sert pas à faire les 10 000 pas considérés comme bons pour la santé, à entretenir son cœur, à perdre du poids.
La marche ne sert pas à aller à Chartres quand on est étudiante ou, adulte, à Saint-Jacques de Compostelle.
La marche ne sert pas à se changer les idées, à faire le vide dans sa tête, à recharger ses batteries.
La marche ne sert pas à aller faire des pique-niques, à camper ou dormir à la belle étoile.

Tout ça, on peut s’en passer. Avec peine, à grand peine même. Mais on peut.

Mais la marche sert aussi à monter au front, à rejoindre le bagne, à fuir les camps de la mort avant l’arrivée des Russes et des Américains, à traverser le désert libyen pour embarquer sur un radeau de fortune vers l’Europe.

Pour moi, depuis mon accident, depuis que je suis en chaise roulante, marcher ce serait pouvoir me mettre debout et mettre un pied devant l’autre. Rien que ça. Rien de plus.

La marche, ça me servirait à aller, seul, me servir un verre d’eau. A ne pas dépendre constamment de quelqu’un pour les choses de la vie quotidienne. A me lever et me coucher à l’heure de mon choix. A ne pas transporter constamment avec moi tout ce dont j’ai besoin. A prendre le bus ou le métro comme tout le monde. A pouvoir oublier quelque chose, bouquin, téléphones, lunettes, et retourner les chercher, même en pestant. A me rendre où je veux quand je veux, même si il y a des marches, des pentes, des obstacles.

Marcher, ce serait ma liberté, ma vie.

 

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  1. Legrand 23 septembre 2023 à 10 h 25 min-Répondre

    Texte fort et qui marche

  2. Michèle+Surre 23 septembre 2023 à 17 h 45 min-Répondre

    Une sacré gifle, que ce texte , à la littérature du bien-être et du développement personnel en vogue dans nos sociétés consuméristes et nombrilistes qui oublient l’essentiel.
    La liberté de se mouvoir n’est-elle pas la première des libertés ?

  3. Catherine P. 17 novembre 2023 à 18 h 48 min-Répondre

    Un texte courageux et vibrant. Il change le regard du lecteur. Très beau.

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