9 juillet 2024

Dans le jardin de Monsieur Max

par Geneviève B.

Quand les fleurs s’expriment dans le jardin de Monsieur Max, leur dialogue est savoureux et parfois cinglant. Écoutez-les redouter l’invasion par des inconnus ou défendre la diversité !

Le texte de Geneviève B.

La scène se passe dans le jardin de Monsieur Max, au printemps 2024

  • Ah, vous voilà enfin mon amie ! Je vous ai attendue longtemps cette année, pourtant il ne vous était pas très difficile d’apparaître, pas d’épaisse couche de neige à percer cette fois !
  • Bonjour Jacinthe ! Vous avez raison, pas un seul flocon de neige cet hiver. Désormais, appelez-moi par mon deuxième prénom, Nivéole, ce sera plus juste ! Voilà bien longtemps que je n’avais pas fleuri ici, pouvez-vous me dire ce que j’ai manqué ? Y a-t-il du nouveau dans le jardin de monsieur Max, je ne reconnais pas grand-chose dans tout ce fatras ! Où sont passées mes amis les nigelles ? Et les pâquerettes ? Et je vois aussi de nouveaux occupants. Qui sont-ils ? D’où viennent t-ils ?
  • Je me souviens avoir entendu nigelles et pâquerettes négocier avec les merles à l’automne dernier, sans doute auront-elles profité de la migration pour changer d’horizon… Quel dommage, je les aimais bien aussi ! Les nouveaux venus ? Ces fleurs blanches si odorantes ? Ce sont des ails triquètres. Je ne comprends pas pourquoi ils sont venus détrôner l’ail des ours qui rendait bien plus de service en cuisine ! Bientôt ils auront envahi toutes les allées et leur odeur tenace, nos narines. Sinon, il y a les fidèles comme les hortensias roses mais cette année ils ont choisi le bleu comme couleur de robe. Moi je les trouve de plus en plus obèses ! Une nouvelle façon de s’imposer dans le jardin. Regardez les coquelicots, quelle indécence avec leur robe si légère et transparente.
  • Ils sont rouges comme des pivoines !
  • Et les pivoines, rouges comme des coquelicots, on jurerait qu’ils ont des choses à se reprocher… Là-bas, monsieur le tournesol fait encore son intéressant en pratiquant son yoga. Au moindre rayon, il fait la salutation au soleil.
  • Et de ce côté, qui sont ces belles personnes ?
  • Oh celles-ci ? Ce sont Hémérocalles et Agapanthes, des prétentieuses. Avec leur nom de princesses, elles sont trop fières pour nous adresser ne serait-ce qu’un petit bonjour chaque matin !
  • Voici encore une fleur qui m’est inconnue, la grande bleue qui s’est installée n’importe où et un peu partout.
  • Celle-ci ? Elle s’appelle Facélie ! Elle ne sert à rien, juste venue ici pour faire sa belle et je ne pense pas qu’on puisse échanger avec elle. C’est une étrangère qui ne parle pas la même langue que nous. Mais voici le merle qui se prend pour le jardinier et nous amène toutes sortes de graines étrangères: je déteste cet oiseau de malheur. Vous savez Nivéole, si l’on n’y prend pas garde, dans quelques années nous ne serons pas certaines de retrouver notre place ! Tous ces nouveaux venus nous auront envahis !
  • Finalement je trouve Max trop relax !! Heureusement nos amis les roses sont toujours fidèles au rendez-vous, si délicates, si belles et leur fragrance si délicieuse.

C’est alors qu’interviennent les giroflées :

Et bien mesdames Nivéole et Jacinthe, vous nous faites de la peine. Que d’erreur et de mépris dans vos propos subversifs ! Max n’en pouvait plus de fatigue à force de tailler, désherber et organiser ce jardin. Alors cette année, il a décidé de nous laisser faire. On n’a pas encore l’habitude de se débrouiller seules alors il faut reconnaitre que c’est un peu l’anarchie… mais vous verrez dans quelques temps tout va s’harmoniser !

Nous avons toutes notre utilité et nous devons nous adapter car avec le changement climatique et la manipulation génétique tout devient plus éclectique.

Alors oui, les oiseaux nous aident en travaillant dans l’import-export afin que chaque graine et chaque fleur trouvent la place qui lui convient le mieux.

Tous les changements que vous avez remarqués correspondent à la grande évolution que nous sommes en train de vivre.

La facélie enrichit le sol et évite les engrais chimiques et de nombreuses fleurs sont ici uniquement pour la beauté du jardin, pour égayer le quotidien des humains qui sont tellement tristes à force de courir pour gagner de l’argent et le dépenser.

Comment pouvez-vous imaginer un jardin uniforme ? Une seule variété, une seule couleur ? Une seule fragrance ? Ce serait vraiment triste et pauvre I

Nous jouons un rôle essentiel et devons le prendre au sérieux pour le bien-être des humains.

  • D’accord les giroflées, vous avez certainement raison, nous aussi nous aimons bien Max et tous les êtres humains. Alors nous sommes prêtes à faire un effort ! Mais savez-vous ce qui se passe derrière le petit portillon blanc au fond du jardin ?
  • Ah là ? C’est le jardin secret de Monsieur Max. Hier au soir lorsqu’il a ouvert la porte j’ai aperçu une pensée.
  • Ah la pensée unique !
  • Cessez vos médisances, les pensées de Monsieur Max sont très belles. Il pense à plus de diversité, plus de couleurs, plus de formes, plus d’harmonie dans une plus grande liberté.

Et ces belles pensées, il aime à les partager avec ses amis les jardiniers.

Références

  • Thème de l’atelier au cours duquel a été écrit ce texte : la relation au jardin.
  • Proposition d’écriture : Une promenade dans un jardin, exceptionnel ou ordinaire, réel ou rêvé. Au coeur de cet environnement particulier d’arbres et de plantes, des sensations s’éveillent, des souvenirs reviennent, des événements – éventuellement – se produisent, microscopiques ou majeurs et pourquoi pas, outrepassant la limite du surnaturel… Faites-nous partager…
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