9 mars 2025
Corps intérieur
par Geneviève B.
Une femme pose dans un atelier d’artistes. Respectant l’immobilité extérieure requise, elle décide de dialoguer avec son corps, de visiter chacune de ses parties en s’adressant directement à elle.
Le texte de Geneviève B.
Voilà plus d’une heure qu’elle est là, assise,
extrêmement passive,
posée sur une chaise,
frisant le malaise.
Se peut-il, qu’un frémissement
vienne troubler le moment ?
Voilà plus d’une heure qu’elle cherche des rimes pour passer le temps, distraire son esprit.
Eux, sont là, qui la regardent à peine, plus absorbés par le papier et le fusain que désireux d’établir une communication.
Alors qui est-elle vraiment, elle qui vit dans ce corps ?
A-t-elle une existence pour elle, pour eux ?
Ses organes lui rappellent que ce corps immobile est le sien.
Elle se sent en vie malgré l’immobilité imposée.
Elle décide alors de dialoguer avec son corps et improvise une séance de yoga nidra.
Elle visite chaque partie de son corps et s’adresse directement à elle :
« Je prends conscience de ma main droite, tant d’années à me servir sans me trahir. Tu as fait tant de belles choses, cuisiner, broder, coudre, dessiner, écrire, tu as serré tant d’autres mains, masser, caresser, aimer d’autres corps.
Merci de m’avoir protégée, te mettant toujours devant lors de chutes improbables et toutes ces tâches ingrates que tu as réalisées sans rechigner, ménage, repassage…
Merci à ma main, merci à mes deux mains qui savent toujours s’organiser pour donner le meilleur.
Je prends conscience de mes deux jambes. Merci à toutes les deux de me porter depuis si longtemps. Merci pour ces longues distances parcourues dans la campagne, la montagne ou les villes.
Je prends conscience de mes organes internes. Tous ensemble, vous êtes une vraie leçon de vie. Depuis le début, vous savez fonctionner en équipe. Chacun remplit son rôle entre digestion, absorption, répartition, réparation … Tout se met en place à tous les instants pour que vive mon corps dans son entièreté.
Virus, microbe, bactérie rien ne vous fait peur et ensemble vous combattez pour préserver ma santé. Merci à tous.
Merci à mon cœur pour ses battements incessants et son infatigabilité.
Merci mes poumons, pour l’oxygénation de tous les organes et pour simplement m’insuffler la vie.
Merci mon ventre, antre du plaisir partagé, abri d’êtres nouveaux, le lieu du plus grand mystère de la vie.
Je suis ébahie par le fonctionnement complexe mystérieux et sans faille de mon corps.
Être attentive à mon corps de cette façon m’indique que ceux qui le regardent et le peignent à l’instant présent ne peuvent en capter l’essentiel.
J’aurais tant de gratitude à exprimer encore… mais je vois les fusains rejoindre leur étui et j’entends les cartons à dessin se refermer.
Qu’ont-ils vraiment vu ?
Je suis déçue par le rendu
si peu d’émotions sont perçues,
alors j’ai hâte de reprendre possession de mon corps, lui redonner vie par le mouvement et la parole.
Je lis la satisfaction sur leur visage souriant devant leurs œuvres.
Ils sont en extase mais, eux et moi n’étions pas en phase.
C’est l’histoire d’une rencontre qui n’a pas eu lieu.
J’avais déserté mon corps pour le confier à leur regard curieux je n’étais pas lui il n’était pas moi.
Un grand merci à mon corps qui m’accompagnera jusqu’à mon dernier souffle, mon dernier battement de cœur.
Références
- Thème de l’atelier au cours duquel a été écrit ce texte : Habiter son corps.
- Proposition d’écriture : Vous ou votre personnage expérimentez une situation qui vous permet de percevoir le fonctionnement de chaque partie de votre corps et de prendre conscience de l’importance de chacune d’entre elles. Vous y trouvez abri, réconfort, mais aussi la ressource pour repartir ensuite vers le dehors, franchir le seuil, se retrouver dans le monde)…
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Exemples de textes écrits en atelier
À l’atelier, les participants produisent un premier jet qu’ils lisent devant les autres. De retour chez eux, ils le reprennent en tenant compte des remarques faites en séance. En voici quelques exemples.